Quand on est une banque régionale coopérative qui se veut actrice de l’économie des territoires du Nord et du Pas-de-Calais, investir dans les transitions est une évidence. C’est le constat fait par le Crédit Agricole Nord de France il y a quelques années, formalisé récemment avec la création de la Banque des Transitions.
Cécile Stachowicz est la responsable du pôle Energie et transition énergétique au sein de la banque, et accompagne à ce titre les dynamiques internes sur la transition et les équipes commerciales dans leurs relations avec les clients aux forts enjeux de transition. Agriculteurs, professionnels, entreprises ou collectivités, son équipe de neuf personnes est confrontée chaque jour à la volonté des acteurs de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Et grâce à la mixité des profils, des énergéticiens aux chargés de financement de projets, ils ambitionnent d’être un tiers de confiance pour « définir les trajectoires de décarbonation par rapport à l’activité et à la situation financière, en partant d’un bilan carbone ou d’un audit thermique ».
« Nos clients sont surpris quand on leur demande leur bilan carbone. En règle générale, ils l’ont réalisé mais ne s’attendent pas à cette question de leur banque. » Passée la surprise, le nouveau rôle des banques en matière de transition est double. Le travail de sensibilisation, de conseil sur les conséquences des réglementations, sur les impacts dans le cadre des appels d’offres est encore un besoin majeur. Mais s’il n’est pas nécessaire, la banque endosse alors une nouvelle approche de la relation-clients de long-terme, en interrogeant la stratégie par le filtre des transitions. « Ce sont des outils régionaux, nos expertises internes et des partenariats externes que nous avons mis en place pour faciliter le parcours de transition des entreprises, en complément des outils nationaux » précise Cécile Stachowicz.
Pour ce faire, le Crédit Agricole Nord de France engage aussi une mue interne, afin que dès le premier contact avec un conseiller, ces enjeux soient pris en compte. La sensibilisation des collaborateurs est constante, l’institut de formation interne s’est adapté et la direction des Transitions anime cette dynamique de transition interne.
Et les récents épisodes d’inondation sont aussi un facteur d’accélération du travail d’information et de prévention sur ces transitions « autant pour l’atténuation que pour l’adaptation. Nous ne pouvons pas laisser nos clients de côté. Nous les accompagnons, pas en leur imposant une contrainte supplémentaire, mais en leur facilitant la vie. Et c’est sans doute aussi le rôle que peuvent endosser les experts-comptables, aux côtés de leurs clients. »
Frédéric Motte a toujours mené une double-vie, d’entrepreneur – co-dirigeant du groupe Cèdres Industries – et d’engagement, qui l’a amené récemment à la présidence de la mission Rev3, en tant que conseiller régional délégué à la transformation de l’économie régionale.
Qu’est-ce que Rev3 ?
C’est une ambition aussi folle que passionnante, celle de faire des Hauts-de-France un territoire exemplaire et leader en matière de développement durable. Elle est née de la théorie de Jeremy Rifkin et s’est concrétisée par un projet de la CCI et de la région Nord-Pas-de-Calais en 2013. Xavier Bertrand a décidé de revisiter cette ambition depuis 2021, convaincu que les enjeux des transitions sont cruciaux et vitaux pour les territoires, les habitants et les entreprises. C’est désormais le fil rouge de notre mandat régional, puisque nous repensons toutes nos politiques à l’aune de ces transitions : chaque décision que nous prenons est réfléchie par son concours aux ambitions Rev3 !
Comment cela se traduit-il pour les politiques de la région ?
Nous distribuons par exemple 300M€ d’aides aux communes, et nous voulons entraîner les collectivités dans cette dynamique : cela se fera par des conditions « Rev3 » pour attribuer les aides. Pour les entreprises, c’est pareil. Je suis persuadé que les entreprises qui ne seront pas Rev3 vont mourir : elles ne parviendront pas à recruter sans engagements clairs, elles perdront progressivement leurs clients, les financeurs ne s’engageront plus. C’est une marche inexorable, et nous tentons, au conseil régional, de créer l’environnement favorable à ces transitions. De la même manière que nous accompagnons le monde de la formation, pour que le diptyque « sobriété / innovation » permette de former aux nouveaux métiers les salariés actuels, et aux métiers de demain les futurs professionnels.
Quelles sont les aides de la région pour accompagner les entreprises ?
Pour répondre à ces défis, nous avons beaucoup de dispositifs, notamment pour accompagner les six secteurs économiques prioritaires (industrie à décarboner, énergie, mobilité, construction, agriculture/agroalimentaire et économie circulaire). Ce sont des subventions régionales, notamment pour l’investissement, parfois dans le cadre de partenariats nationaux (avec la BPI ou l’ADEME) ou de fonds européens, qui sont gérés par la région. Ce sont des prises de participations via l’outil Rev3 capital. Ce sont des aides pour des projets d’énergies renouvelables via la SEM Energie. Ou ce sont des outils d’accompagnements, en lien avec les CCI et CMA notamment, comme le référentiel Rev3 ou les boosters Rev3.
Nous avons pour objectifs, et c’est audacieux, de fixer progressivement dans les mois qui viennent des conditions aux aides attribuées. Le travail est en cours et doit servir à entraîner tout notre tissu économique dans ces transitions, en décidant d’attribuer ou non les aides ou en bonifiant leurs montants.
Quel rôle peuvent jouer les experts-comptables dans cette dynamique ?
Nous avons besoin de mobiliser tout le monde, et sans flagornerie, vous avez un rôle à jouer. En tant que partenaire de confiance de l’entreprise, vous pouvez sensibiliser, aider au passage à l’acte, rassurer, accompagner. Le référentiel de l’entreprise Rev3 peut d’ailleurs y aider : ce n’est pas un label, ce doit être l’étendard de ceux qui veulent s’engager dans les transitions.
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