La profession s’engage

Auditer, diagnostiquer la pertinence, mesurer et rapporter. Les experts comptables et commissaires aux comptes sont habitués à ce genre de missions pour les bilans comptables et financiers. Grégory Mouy et Corinne Renart nous expliquent l’importance d’être formés et prêts à s’engager dans le développement de l’expertise RSE.

L’INTERVIEW CROISÉE

Grégory Mouy, président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes (CRCC), et Corinne Renart, présidente du conseil régional de l’Ordre des experts-comptables des Hauts-de-France

RSE-durabilité : « Il est inenvisageable de ne pas s’inscrire dans cette nouvelle expertise »

Obligation morale et intellectuelle ?

GM. « Ce n’est pas comme si les questions RSE-durabilité tombaient comme un cheveu dans la soupe ! On en parle depuis au moins vingt ans. Ce qui diffère aujourd’hui, c’est leur caractère obligatoire. Pour les chefs d’entreprise, qui vont devoir rendre des comptes, et pour nous, experts-comptables et commissaires aux comptes, qui sommes appelés à savoir les auditer, en diagnostiquer la pertinence, en mesurer la cohérence, pour les rapporter comme nous le faisons déjà naturellement pour les bilans comptables et financiers. C’est vrai que le spectre d’intervention est large et varié, mais nous ne pouvons, individuellement comme collectivement, personnellement comme professionnellement, en ignorer les tenants et aboutissants. Nous adapter aux évolutions, qu’elles soient réglementaires ou normatives, ne fait-il après tout pas partie de notre ADN ? Je pense en tout cas que nous avons une obligation morale et intellectuelle vis-à-vis de nos clients à nous engager dans cette expertise RSE. C’est dans la continuité de nos missions ».

CR. « Je dirais même que les professionnels de la comptabilité et de l’audit que nous sommes constituent les interlocuteurs privilégiés des dirigeants d’entreprises, car ils peuvent se prévaloir d’une compréhension des enjeux de tout ordre inhérent à l’entreprise (…) Pour revenir au caractère obligatoire, il se situe à plusieurs niveaux : les enjeux de notre société en matière de durabilité, puis l’obligation règlementaire avec le calendrier que vous connaissez, et enfin l’obligation qui va naitre de la pression des banques, des donneurs d’ordres… Il serait dommage de ne se saisir de ces nouvelles missions que par obligation morale et intellectuelle. Je le vois plus comme une opportunité de faire connaître et reconnaître notre capacité à accompagner les dirigeants dans le pilotage de la performance extra-financière. Et d’ailleurs, de nombreux cabinets étaient déjà précurseurs dans ce domaine, bien avant la promulgation des normes ! »

Embarquement immédiat ?

GM. « Il faut embarquer dans le train, et la date limite pour acheter son billet est fixée, pour rappel, au 1er janvier 2026. Rester à quai serait à mon avis une erreur. Si nous ne montons pas à bord, d’autres qui l’auront fait prendront notre place. Car si nous sommes aujourd’hui incontournables pour nos clients dans le domaine des chiffres, nul doute que ces derniers préféreront travailler avec quelqu’un qui a aussi l’expertise RSE-durabilité plutôt que de multiplier leurs interlocuteurs. Quand on fait ses courses et qu’on n’a pas le temps, on se concentre sur un magasin unique, non ? Il faut avoir le même raisonnement.

“Nul doute que nos clients préféreront travailler avec quelqu’un qui a aussi l’expertise RSE-durabilité plutôt que de multiplier leurs interlocuteurs“

Grégory Mouy

CR. « N’attendons pas le 1er janvier 2026 ! Car comme je vous le disais, les entreprises même non cotées doivent définir leur stratégie en matière de RSE et se verront de toute façon contraintes d’entrer dans cette dynamique de durabilité par la pression extérieure des banques, des donneurs d’ordres… Alors oui, sensibilisons nos clients sur ces sujets, aidons les à réaliser leur diagnostic de performance financière, aidons les à établir un tableau de bord de suivi de cette performance extra-financière, et bien sûr à rédiger leur rapport de durabilité. »

Le compte est bon ?

GM. « Il faut voir cette prise en charge des questions RSE comme une valeur ajoutée à notre expertise, pas comme une contrainte. Si cela peut rassurer les hommes et femmes de chiffres que nous sommes, de chiffres il sera aussi question dans ce domaine-là. Des bilans carbone, de la gestion de flotte, de la mesure de production, d’approvisionnement… : tout cela se mesure avec des chiffres ! Sachant que nous sommes à mon sens avant tout des hommes et des femmes de droit, et qu’il s’agira aussi de mesurer des performances face à des normes souvent très juridiques. Qui mieux que nous pour le faire ? »

“Nos professions sont au cœur de l’humain, et donc de ces nouveaux enjeux”

Corinne Renart

CR. « Saisissons nous de cette opportunité avant que d’autres ne le fassent ; comme le dit Grégory, oui nous sommes des hommes et des femmes de chiffres mais pas que ceux liés à la performance financière ! Nos professions sont au cœur de l’humain, et donc de ces nouveaux enjeux. »