La transition RSE des organisations

Le concept de RSE (responsabilité sociétale de l’entreprise) n’est pas né hier puisqu’il est mentionné pour la première fois en 1953 dans l’ouvrage “The social responsibilities of the business man” d’Howard Bowen dans lequel l’auteur définit la RSE comme une discipline transversale du management. Depuis la crise sanitaire et la convention citoyenne pour le climat, la RSE est devenue plus qu’un ornement décoratif pour les entreprises. La conscientisation de leur rôle sur la sauvegarde de la planète les a poussées à revoir leurs modèles de développement non seulement environnementaux mais aussi sociaux et sociétaux, jusqu’à positionner la RSE comme un caractère prioritaire, voire même “vendeur” car vertueux.

LES 7 PILIERS DE LA RSE

En 2001, la commission européenne définit la RSE comme l’intégration volontaire par les entreprises, de préoccupations sociales, économiques et environnementales à leurs activités commerciales et aux relations avec leurs parties prenantes. Depuis 2010, la politique en matière de RSE évolue sans cesse cadré par la norme ISO 26000 qui régit en qualité de référence, les grands principes de la RSE au sein des entreprises. Cette norme désigne 7 piliers centraux à la RSE :

La gouvernance de la structure

Une gouvernance responsable implique l’intégration de la RSE à tous les niveaux, et dans sa stratégie globale. Adopter une gouvernance responsable c’est faire preuve de transparence dans ses publications (résultats financiers, résultats d’exploitation..), ou encore adopter une charte d’achats responsables.

Les droits humains

Au sein des entreprises engagées, le respect des droits de l’Homme se traduit par une approche centrée sur les individus et fondée sur la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Il s’étend à l’ensemble de sa chaîne de valeur et cela passe par la préservation de la dignité et des droits fondamentaux des parties prenantes ou encore par la lutte contre la discrimination.

Les conditions et relations de travail

Ce pilier concerne la manière dont une entreprise favorise le bien-être physique et mental de ses employés, respecte leur intégrité, favorise des relations saines et offre les moyens nécessaires pour effectuer leur travail. Cela passe, entre autres, par s’assurer de la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) des employés, leur garantir une protection sociale et une rémunération équitable et transparente.

La responsabilité environnementale

La responsabilité environnementale est certainement le premier pilier qui vient à l’esprit lorsque l’on parle de RSE, il est donc fréquent que certains limitent la RSE à ce seul pilier.
La norme ISO 26000 offre un cadre pour aider les entreprises à prendre conscience de leur impact sur l’environnement et à agir de manière responsable en limitant la consommation de papiers et en invitant les salariés à adopter une utilisation optimale des énergies renouvelables mais pas seulement. L’impact environnemental d’une entreprise se calcule également selon les ressources qu’elle achète et ce que cela engendre sur l’environnement (pollution et gaz à effet de serre émis etc.).

La loyauté des pratiques

La loyauté des pratiques évoque une éthique des transactions entre deux organisations ou parties prenantes. Cette “éthique des affaires” englobe la lutte contre la corruption, la sensibilisation dans toute la chaîne de valeur, le respect des droits de propriété, la transparence ou encore la concurrence loyale.

La protection des consommateurs

Les entreprises doivent protéger leurs consommateurs en faisant preuve de transparence et d’éthique dans plusieurs domaines tels que : les informations qu’elles leur délivrent, leur santé, leur sécurité et la protection de leurs données.

Les communautés et le développement local

La contribution au développement à la fois économique et communautaire local implique que l’entreprise agisse en tant qu’acteur responsable au sein de sa communauté en investissant dans des projets éducatifs, culturels ou sportifs ou en créant de l’emploi par exemple.

“La responsabilité environnementale est certainement le premier pilier qui vient à l’esprit lorsque l’on parle de RSE, il est donc fréquent que certains limitent, à tort, la RSE à ce seul pilier.”

LA DURABILITÉ DES ORGANISATIONS

Alors à quel type d’organisation s’adresse la mise en place d’une stratégie RSE ?

La réponse est simple, la RSE concerne toutes les entreprises, peu importe leur secteur d’activité, leur taille, ou encore leur implantation géographique. D’autre part, la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, appelée loi PACTE, rend désormais obligatoire la prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux dans la gestion quotidienne de l’entreprise conformément à son intérêt social. La durabilité n’est désormais plus une option mais fait partie intégrante du vocabulaire et du quotidien des entreprises.

Mais c’est quoi la durabilité ?

La durabilité des entreprises, également appelée «développement durable des entreprises», désigne l’adoption de pratiques qui aident à réduire au maximum l’impact négatif social et environnemental d’une entreprise.

Pourquoi être une entreprise durable ?

Face aux défis environnementaux et sociaux, devenir une entreprise durable n’est plus un choix pour s’assurer de sa pérennité. Les consommateurs se tournent davantage vers les marques engagées, il est nécessaire pour les entreprises d’adopter une stratégie de durabilité pour s’assurer d’opportunités en matière de positionnement sur le marché et de fidélisation client. Pour être durable, une entreprise doit concevoir une stratégie de croissance pérenne, afin de répondre aux besoins actuels de la société en équilibrant les intérêts économiques, environnementaux et sociaux.

Comment évaluer, puis améliorer la durabilité d’une entreprise ?

Grâce à la production de différents outils qui servent à mesurer l’impact de sa stratégie RSE.

> Le bilan carbone : Le bilan carbone est une méthode mise au point par l’Agence de la transition écologique pour comptabiliser les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’une entreprise, d’un produit ou d’un individu.

> La qualité de “société à mission” : La qualité de « société à mission » est une forme de label attribué aux sociétés qui intègrent des objectifs sociaux et/ou environnementaux dans leurs statuts et ajustent leur mode de fonctionnement pour garantir la réalisation de cette mission.

> Le rapport de durabilité (anciennement rapport RSE) : les entreprises côtées sur le marché réglementé européen et les grands groupes (chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros ou nombre de salariés supérieur à 500) sont tenus de publier un rapport de durabilité qui relate l’incidence de l’entreprise sur les questions de durabilité et, à l’inverse, les incidences de celles-ci sur sa performance économique. La réalisation du rapport de durabilité est prévu par la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), dont l’objectif consiste à instaurer un reporting extra-financier uniformisé à l’échelle de l’Union européenne.

Pour mieux comprendre

Impact environnemental : Ensemble des changements qualitatifs, quantitatifs et fonctionnels de l’environnement engendrés par une entreprise. On le mesure grâce au bilan carbone notamment.

Gouvernance durable : La gouvernance durable est un processus de décision collectif n’imposant pas systématiquement une situation d’autorité.

Responsabilité territoriale des entreprises : C’est la prise en compte par l’entreprise de son empreinte territoriale et de son engagement territorial.

Émissions de CO2 : Le CO2 est un gaz à effet de serre qui, en quantité trop importante dans l’atmosphère, participe au réchauffement et perturbe notre écosystème.

Impact social : L’impact social se définit comme la transformation des parties prenantes de la société à la suite d’activités spécifiques exercées par une entreprise.

ET CONCRÈTEMENT…

Selon l’étude “Employee Engagement” réalisée par Cone Communication en 2016 :

  • 51% des travailleurs déclarent ne pas vouloir travailler pour des entreprises qui n’ont pas d’engagement social ou environnemental fort.
  • 76% des jeunes de la génération Y placent la RSE au-dessus du salaire dans leurs critères de recherche d’emploi.
  • 97 % des consommateurs sont prêts à boycotter une entreprise ayant des pratiques sociales ou environnementales destructrices.

Ces chiffres prouvent l’importance que prend la stratégie RSE auprès de toutes les parties prenantes d’une organisation.

“Les enjeux business, principaux moteurs des politiques RSE”

Alors, quelles incidences la mise en place d’une stratégie RSE peut avoir sur les états financiers actuels et à venir ?

La RSE et la performance économique sont intimement liées, la RSE est considérée comme un levier de puissance financière. Retour sur les chiffres du Baromètre de la RSE en 2022 publié par la plateforme d’engagement citoyen “vendredi” (sur un panel de 800 TPE, PME, ETI et grands groupes répondants).

> Image de marque et compétitivité : La RSE est principalement motivée par des enjeux business, même si les entreprises ont conscience de l’urgence d’agir. En effet 93% des entreprises jugent important voire très important de mettre en place une stratégie RSE pour améliorer leur image de marque et ainsi, leur compétitivité.

> Marque employeur et fidélisation des talents (réduction du turn over et du taux d’absentéisme) : 90% des entreprises répondantes ont placé la fidélisation des talents et la marque employeur en tête de classement parmi les critères de motivation de mise en place d’une stratégie RSE.

La RSE, une ambition business ?

En positionnant l’image de marque et la marque employeur en tête des critères de motivation à la mise en œuvre d’une stratégie RSE, les entreprises montrent qu’elles priorisent largement l’enjeu business. Si les entreprises favorisent la compétitivité et l’attractivité, elles semblent néanmoins avoir bien conscience de l’urgence à agir puisqu’elles sont 85% à juger que la réponse à l’urgence sociale et environnementale est une motivation importante voire très importante.

Parlons résultats…

Selon l’AFNOR, les effets d’une démarche “RSE” sont largement positifs, d’après une étude qu’elle a menée auprès de plus de 400 entreprises fin 2019. Les organisations interrogées observent de multiples bénéfices :

> pour leur image (engagement plus fort des collaborateurs et meilleure attractivité dans 80 % des cas) ;

> pour leur activité (la RSE est source d’innovation pour 78 % d’entre elles et de différenciation
pour 75 %) ;

> pour leur chiffre d’affaires (en hausse pour 38 % des entreprises) ;

> pour leur rentabilité (qui augmente dans 40 % des cas).

Décliner sa démarche DD en 7 piliers avec l’ISO 26000

Cela implique des changements dans l’accompagnement des organisations pour les experts comptables

Depuis 2019, les entreprises de plus de 500 salariés et/ou les entreprises cotées en bourse sont obligées de fournir des données extra financières. Ces critères seront sans doute élargis aux plus petites entreprises qui sont par ailleurs déjà concernées via une démarche volontaire ou parce qu’elles y sont incitées afin de répondre à leurs appels d’offres ou encore à leurs donneurs d’ordre. Les entreprises ont désormais besoin d’un accompagnement spécifique pour pouvoir répondre à ces enjeux :

  • Sensibilisation aux enjeux sociétaux et environnementaux
  • Accompagnement dans leurs démarches RSE et dans leurs demandes d’aides pour développer de nouvelles missions
  • Évaluation de leurs impacts, notamment financiers

L’expert comptable doit désormais adopter la position “d’expert durable” pour accompagner ses clients dans cette démarche et les aider à devenir des entreprises durables.

Chaque pilier de la RSE est accompagné de documents spécifiques qui permettent aux entreprises de mettre en œuvre et de rendre compte de leurs actions dans ces domaines.

Il s’agit ici d’un schéma non exhaustif. Tous ces documents ne sont pas adaptés aux besoins de chaque entreprise, mais chaque entreprise doit s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue et ainsi connaître les principaux documents.

L’INTERVIEW

Jérôme Duwat – Référent Hauts-de-France de la fresque du Climat.

Personne ne peut plus ignorer aujourd’hui le réchauffement climatique, ses causes et ses conséquences. Mais ça ne suffit pas. Les décideurs doivent réduire l’impact sur l’environnement, renforcer la décarbonation de leurs activités ou réduire la consommation de ressources naturelles. Souvent présentés comme les bras droits du dirigeant, les experts comptables jouent un rôle clé dans l’accompagnement vers la transition écologique de leurs clients.

Comment rassurer les experts comptables sur le fait que l’on puisse auditer les clients sur leurs empreintes sans parler chiffres ?

Une entreprise ne se résume pas à quelques chiffres.
C’est avant tout une organisation imaginée et voulue qui utilise des ressources pour apporter un produit ou un service, créateur de valeur, à ses clients. L’accompagnement par un expert comptable va permettre d’auditer le process, le modèle économique, de faire le diagnostic et d’aider le chef d’entreprise à identifier les leviers de réduction de la consommation énergétique, les impacts environnementaux de son process…

Ces impacts sur les activités sont à appréhender de manière systémique : l’entreprise et son écosystème. Pour les experts-comptables, il s’agit d’une évolution majeure du reporting de leurs clients. L’information de durabilité, englobant les aspects environnementaux, sociaux, et de gouvernance, va au-delà d’un simple constat pour inclure des projections et des plans d’actions à la transition.

Une compréhension des enjeux liés au business model, aux activités de l’entreprise et sa chaîne de valeur. Pour assurer sereinement cette nouvelle mission, il est important que les commissaires aux comptes ou les experts-comptables soient bien au fait des enjeux du dérèglement climatique notamment avec l’évolution des business models, surtout ceux désignés comme régénératifs, c’est-à-dire comportant un impact sur le vivant et l’humain.

Comment rassurer les experts comptables sur le fait qu’ils peuvent présenter la fresque du climat à leurs clients ?

La Fresque du climat est l’outil de sensibilisation sollicité auprès des citoyens, des directions et des collaborateurs ou élus. Cet atelier est le point de départ d’une démarche de transformation. Beaucoup de chefs d’entreprise sortent d’un atelier en nous disant “Wahoo j’ai compris le problème. Mais quel est le prochain pas ? Je commence par quoi ?”. Les experts-comptables peuvent et doivent proposer, en guise de prise de conscience, un atelier de la fresque du climat. S’ils animent ces ateliers, leur efficacité en sera renforcée car ils pourront mettre en lumière les leviers d’actions. Pour paraître aussi légitime que compétent, le cabinet experts-comptables ou commissaires aux comptes devrait avoir engagé sa propre transformation.

ZOOM
C’est quoi une Fresque du Climat ?

La Fresque du climat est un outil scientifique, accessible et impactant qui engage jusqu’à 14 participants dans un échange constructif dont l’objectif est de permettre la compréhension des enjeux du dérèglement climatique et d’identification des actions à mener. Facilité par un animateur, le jeu se présente sous la forme de 42 cartes placées sur une table. Chacune représente un phénomène (fonte des glaciers, émissions de Gaz à Effet de Serre..), et il faut reconstituer l’enchaînement de causes et de conséquences.