Des nouvelles expertises dans les cabinets

D’expert-comptable à expert-durable !

…par Eric Ferdjallah-Chérel, Diplômé d’expertise comptable, Directeur de la stratégie métiers et du département des études métiers du CNOEC

La prise de conscience généralisée des enjeux climatiques et environnementaux, ainsi que des inégalités sociales, accentuée par la réglementation européenne récemment transposée en droit français, poussent les acteurs économiques à repenser leur stratégie et leur modèle d’affaires. Dans ce contexte, le rôle des experts-comptables est primordial et prend un sens sociétal : ils sont garants de la transition des TPE-PME vers un nouveau modèle plus durable. Face à ces enjeux, la profession d‘expertise comptable montre, encore une fois, sa capacité à prendre en main des sujets sociétaux et confirme, s’il en était besoin, son rôle de premier conseiller des entreprises en leur proposant un panel de missions, plus large que l’accompagnement à l’établissement du rapport de durabilité ou sa certification.

Finance durable

Le CNOEC s’est mobilisé aux côtés du réseau Banque Populaire, première banque des TPE-PME, pour encourager et accompagner les transitions environnementales et sociétales de leurs clients communs en proposant une nouvelle solution de financement : le prêt à impact. Ce prêt propose un taux d’intérêt effectif indexé à la performance extrafinancière du client emprunteur. Ainsi si ce dernier atteint les objectifs de performance (choisis et fixés par lui-même et suivi par des indicateurs), il bénéficie d’une rétrocession sur les intérêts perçus1 pouvant aller jusqu’à 10 % ; dans le cas contraire, c’est le taux contractuel qui s’applique. Pour bénéficier de la rétrocession, le client emprunteur doit faire une revue annuelle des indicateurs choisis, attestée par un expert-comptable, selon un exemple disponible sur la partie privée du site du CNOEC.

Accompagnement à la déclaration de performance extra-financière

Introduit en 2001, c’est l’article 225 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement2 qui apporte un cadre réglementaire à l’exercice du reporting RSE. Il est suivi en 2017 par la déclaration de performance extra-financière (DPEF), qui exige la publication d’informations environnementales, sociales et sociétales dans le rapport de gestion pour certaines organisations, auditées par un organisme tiers indépendant (OTI). La DPEF, désormais composante clé de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) permet aux experts-comptables d’intervenir pour deux missions :
  • accompagnement à l’établissement de la DPEF,
  • audit de la DPEF en tant qu’OTI, dès lors que l’expert-comptable est accrédité par le COFRAC.

Accompagnement à la déclaration auprès des éco-organismes

Le principe de responsabilité élargie du producteur (REP)3 s’appuie sur le principe du pollueur-payeur : toute personne physique ou morale dont les activités impliquent des déchets sont responsables de leur élimination, valorisation ou recyclage. Ces personnes doivent aussi éco-concevoir les produits, favoriser le réemploi, la réutilisation, ou encore la réparation. Les producteurs de ces filières doivent ainsi prendre en charge, notamment financièrement, la gestion de leurs déchets soit en mettant en place un système individuel pour les collecter et les recycler, soit en délégant leurs responsabilités à l’un des 20 actuels éco-organismes : ils seront alors redevables d’une écocontribution. Certains éco-organismes demandent aux producteurs de fournir un document établi par un expert-comptable pour être rassurés, tant sur le fond que sur la forme, de la déclaration faite. Dans ce cadre, le CNOEC a développé une plateforme digitale collaborative avec les éco-organismes en charge de la filière des emballages (Citeo et Adelphe) et celle du papier (Citeo) permettant la standardisation et l’envoi sécurisé de la déclaration du producteur et du document associé établi par l’expert-comptable.

Accompagnement dans la recherche d’aides

Les aides relatives à la RSE sont nombreuses et dépendent souvent de la localisation et du secteur d’activité de l’entreprise. L’expert-comptable apporte :
  • son expertise pour trouver la ou les aides appropriées à ses clients,
  • son savoir-faire pour vérifier les conditions d’éligibilité,
  • son expérience pour remplir le dossier de demande d’aide.
Pour aider le professionnel dans cette mission, le CNOEC a signé une convention avec mesaidespubliques.fr4 qui donne aux experts-comptables un accès privilégié et sécurisé à ce site afin qu’ils trouvent facilement les aides appropriées et en fassent bénéficier leurs clients.

Fresque du climat

Depuis sa création en 2018, La Fresque du Climat permet aux individus et organisations qui la suivent de s’approprier le défi de l’urgence climatique. Le CNOEC s’est approprié cet outil et a créé le groupe des « Ambassadeurs du climat », constitué d’experts-comptables, fresqueurs. Leur objectif ? Développer la fresque du climat au sein de la profession et au sein de leur clientèle.

Mise en place de normes volontaires

Quel que soit le standard retenu (norme5 ou label6), l’expert-comptable, grâce à sa connaissance historique, stratégique et organisationnelle de la structure, accompagne son client qui désire de manière volontaire respecter (et afficher) une norme lui permettant de faire cohabiter sa politique avec des objectifs de durabilité. Mise en place d’une comptabilité multi-capitaux Dans le contexte actuel où l’environnement et l’humain sont reconnus comme des ressources importantes à protéger, la réglementation comptable en vigueur ne permet pas ce suivi car son but est principalement de suivre la performance économique et financière d’une entité. Il est donc proposé d’ajouter deux dimensions nouvelles à la comptabilité classique pour qu’elle devienne multi-capitaux et place les enjeux environnementaux et sociaux au cœur de l’entreprise. Le principe de la comptabilité triple capital fait l’objet de plusieurs modélisations en cours d’expérimentation par des entreprises d’envergure variable. Les experts-comptables peuvent ainsi accompagner les entreprises qui, sur la base du volontariat, souhaitent présenter leurs comptes en multi-capitaux.

Respect des obligations RSE

Les obligations RSE auxquelles sont soumises les entreprises sont nombreuses et leurs conditions d’éligibilité font souvent référence à des critères différents. L’expert-comptable se doit donc d’accompagner son client dans ce labyrinthe réglementaire. Pour ce faire, avant même que le gouvernement lance sa plateforme d’aide au respect des obligations7, le Conseil national de l’ordre des experts-comptables a doté la profession d’un outil : la boussole RSE. Cet outil, permet d’orienter l’expert-comptable dans les obligations de ses clients : audit énergétique, bilan d’émission de gaz à effet de serre, DPEF, devoir de vigilance, index de l’égalité professionnelle entre les femmes et hommes…

Société à mission

En accompagnant ses clients à adopter la qualité de société à mission, l’expert-comptable les aide non seulement à affirmer leur responsabilité sociale et environnementale dans un projet d’entreprise structurant, mais également à déterminer leur trajectoire selon les enjeux stratégiques de durabilité des entreprises. La connaissance économique et réglementaire de l’expert-comptable justifie son intervention dans les thématiques sociales, sociétales, environnementales et de gouvernance des organisations.

Établissement du Bilan carbone®

Le Bilan Carbone® permet de mesurer (en vue de réduire) son empreinte carbone en identifiant les postes d’émissions de gaz à effet de serre, directes et indirectes, de l’activité, et son niveau de dépendance aux énergies fossiles. Formé à la méthode Bilan Carbone®, l’expert-comptable permet à ses clients de :
  • réduire leurs émissions des gaz à effet de serre, en proposant des actions pour limiter les risques liés au changement climatique,
  • répondre aux exigences des parties prenantes,
  • anticiper les exigences des investisseurs et des donneurs d’ordres,
  • réduire sa facture énergétique,
  • optimiser son cycle de production…

1 La bonification peut être reversée à une association œuvrant en faveur du thème choisi.
2 Dite loi Grenelle 2.
3 Art. L 541-10 du Code de l’environnement.
4 Site opéré par Infogreffe.
5 ISO 14001, ISO 26000, …
6 B corp, Lucie, Envol, …
7 https://portail-rse.beta.gouv.fr/

EN LUMIÈRE
Le commissaire aux comptes, certificateur de la durabilité

Les commissaires aux comptes ont été identifiés par le législateur comme des professionnels légitimes pour certifier les rapports de durabilité !

Pourquoi ?

Qu’est ce qui les rend légitimes dans ce type de missions qui peuvent paraitre éloignées de celles qu’ils font habituellement ?

La réponse est simple : leur indépendance, leur déontologie en font les premiers professionnels créateurs de confiance.

À cela s’ajoutent évidemment leur expertise financière qui n’est plus à démontrer mais aussi leur méthodologie et l’habitude qu’ils ont de réaliser des audits légaux.

 

Précisons un peu ces notions :

Tout d’abord l’expertise financière. Les commissaires aux comptes possèdent une expertise approfondie en matière de certification d’informations financières. Ils sont formés pour apprécier les données financières, comptables et juridiques avec précision, ce qui est essentiel dans l’évaluation des rapports de durabilité qui ne sont pas exempts de chiffres !

La crédibilité et la confiance que leur témoignent leurs clients, entreprises, associations ou encore les collectivités n’est plus à démontrer. Les commissaires aux comptes sont considérés comme des professionnels dignes de confiance en raison de leur statut, de leur déontologie et de leur formation. Leur implication dans la certification des rapports de durabilité renforce la transparence des informations présentées et aide à établir la confiance entre toutes les parties prenantes.

Leur indépendance et leur déontologie. Les commissaires aux comptes sont tenus de respecter des normes strictes d’indépendance et d’impartialité dans l’exercice de leurs fonctions. Cette indépendance est cruciale pour assurer une évaluation objective des rapports de durabilité

“L’objectif du législateur est d’assurer la transparence des informations extra-financières produites par l’entité contrôlée et d’éviter le greenwashing qui tend à diffuser des informations erronées à l’écosystème.”

Nous avons interrogé Patrick Marissiaux, commissaire aux comptes et en cours de formation au visa durabilité.

Selon vous, pourquoi les commissaires aux comptes ont été désignés comme l’autorité certificatrice de la durabilité ?

“Nous n’établissons pas les rapports de durabilité. En revanche, nous sommes amenés à les certifier, de la même manière que l’on certifie les comptes annuels et tous les documents qui sont produits chaque année par les entreprises. La méthodologie déployée dans le cadre de la certification d’un rapport de durabilité emprunte beaucoup de la démarche d’audit que nous, commissaire aux comptes, avons l’habitude de pratiquer : prise de connaissance, cartographie des risques. Pour résumer, la méthodologie d’audit est maîtrisée par chacune/chacun mais la plus grande difficulté restera de s’approprier le fond et le sujet car celui-ci est complexe et très large.”