LE RÔLE ESSENTIEL DE L’EXPERT-COMPTABLE
Après la crise sanitaire liée à la COVID-19, de nombreuses entreprises ont été fragilisées, notamment les TPE/PME. La reprise a été freinée par deux nouveaux facteurs majeurs :
L’expert-comptable est un acteur de proximité et de confiance. Son rôle va bien au-delà de la production comptable : il est conseiller stratégique, veilleur d’alerte et accompagnateur de la gestion de crise. Ses principales missions dans la prévention sont :
LES ACTEURS RÉGIONAUX
L’expert-comptable collabore avec plusieurs acteurs, chacun jouant un rôle complémentaire :
LA SITUATION ÉCONOMIQUE RÉGIONALE
L’analyse du baromètre Image PME présentée dans la rubrique Santé des entreprises dresse un état de la situation économique régionale au premier trimestre 2025. Grâce aux données provenant de la base Statexpert construite à partir des télédéclarations sociales et fiscales réalisées par les experts-comptables pour le compte de leurs clients, représentant pour la région Hauts-de-France 32 000 TPE/PME, Image PME permet de dresser une analyse récente et fiable. En synthèse, au premier trimestre 2025, les TPE/PME des Hauts-de-France ont connu une croissance modérée mais significative de leur activité économique. L’indice de chiffre d’affaires (ICA) s’établit à 101, soit une progression de 1% par rapport à la même période de 2024, plaçant la région en tête du classement national, avec un écart de +1,3 point sur la moyenne française. Cette performance s’inscrit dans un contexte encore marqué par une hausse des défaillances d’entreprise et une inflation persistante (+0,8% en mars 2025 sur un an). Au niveau de l’évolution géographique de l’activité, les départements les plus dynamiques sont la Somme (+2,1%), le Pas-de-Calais (+2%) et le Nord (+0,7%). L’activité stagne dans l’Aisne (+0,3%) et l’Oise (-0,1%). Certains secteurs affichent une progression notable comme l’optique (+5,4%) portée par le vieillissement de la population et les solutions visuelles avancées, les pharmacies (+4,2%), le transport routier de fret (+4,3%), les agences immobilières (+11,3%) soutenues par la baisse des taux d’intérêt et un effet de base favorable ou encore la réparation automobile (+2,8%).
À l’inverse, certains secteurs peinent à maintenir leur activité comme les boulangeries-pâtisseries (-0,6%) touchées par les coûts énergétiques, la taxe sur les emballages et la concurrence industrielle, la coiffure (-1,8%) confrontée à la baisse de fréquentation, la concurrence du service à domicile et les difficultés de recrutement ou encore l’hébergement et la restauration en recul marqué avec -4,6%.
En conclusion, malgré une croissance globale, la dynamique régionale demeure contrastée, avec des signaux de fragilité : stagnation dans plusieurs départements, tensions inflationnistes, baisse de rentabilité dans certains secteurs-clés et augmentation des défaillances. La résilience des TPE/PME dépendra en grande partie de leur capacité d’adaptation, de diversification et de maîtrise des coûts dans un environnement encore incertain.
Charles LETIERS,
Président de la commission
L’expert-comptable joue un rôle pivot dans la chaîne de prévention des difficultés des entreprises. Grâce à sa vision globale de l’entreprise et son réseau de partenaires, il peut anticiper les risques, orienter vers les bons interlocuteurs et favoriser la pérennité des structures, en particulier dans un contexte économique incertain. La clé réside dans la réactivité, la transparence et la mobilisation des outils disponibles dès les premiers signaux d’alerte. La commission du Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables Hauts-de-France travaillera dans ce sens ; elle s’attachera à sensibiliser la profession à travers des actions ciblées et à nouer des relations fortes avec les acteurs régionaux dans l’objectif de travailler de manière efficace et rapide, en parfaite complémentarité.
Pourriez-vous vous présenter et expliquer le rôle d’un administrateur judiciaire ?
Je suis Maître Michaël THYSEN, administrateur judiciaire et fondateur de l’étude Help Partners basée à Tourcoing avec une antenne prochainement à Paris. Nous bénéficions d’une compétence nationale. L’administrateur judiciaire, « ange gardien des entreprises », intervient en matière civile (copropriété, indivision, succession, etc.) et commerciale dont l’essentiel de notre activité concerne les entreprises en difficulté mais aussi les administrations provisoires ou les liquidations amiables de sociétés.
Comment décririez-vous la situation économique actuelle dans les Hauts-de-France ?
Les entreprises des Hauts-de-France, comme au niveau national, connaissent actuellement plus de défaillances qu’en période COVID. Rien d’alarmant pour l’instant : avant la crise, on comptait 55 à 60 000 procédures collectives par an. Durant le COVID, les aides de l’État, dont les PGE, ont freiné les dépôts de bilan. Néanmoins, la situation pourrait devenir inquiétante si le volume dépassait les 60 000. Dans la région, entre 2020 et 2022, environ 15 000 défaillances ont été évitées grâce aux dispositifs mis en place. Depuis 2023, les chiffres repartent à la hausse, mais restent contenus.
En tant qu’administrateur judiciaire, comment accompagnez-vous les entreprises en difficulté ?
Nous accompagnons les entreprises en difficulté par des procédures préventives ou collectives. Les trois procédures préventives, confidentielles, sont le mandat ad hoc, la conciliation (les plus connues) et le règlement amiable agricole. Elles permettent au dirigeant de garder la main, ce qui est important psychologiquement, avec un taux de succès d’environ 75% dont les honoraires peuvent être pris en charge par l’assurance RCMS. Ces procédures s’adressent aux entreprises n’étant pas en cessation des paiements depuis plus de 45 jours. Au-delà, la loi impose soit un redressement judiciaire, soit une liquidation judiciaire. La mission de prévention est définie par le Président du Tribunal de commerce dans l’ordonnance qui nous désigne. Le mandat ad hoc est la procédure la plus souple. La conciliation offre des leviers supplémentaires. En cas d’échec, la liquidation judiciaire, souvent immédiate, concerne 70 à 80% des dossiers, tandis que la sauvegarde ou le redressement judiciaire permettent des plans adaptés, parfois sur mesure. Consulter tôt maximise les chances de succès.
Présentez-nous les grandes étapes de la procédure de prévention ?
Pour lancer une procédure préventive, il faut déposer une requête avec une convention d’honoraires signée. Il est donc essentiel de consulter un administrateur judiciaire pour valider la procédure (absence de cessation des paiements depuis plus de 45 jours). Le client est convoqué alors à un entretien confidentiel avec le Président du tribunal de commerce, souvent accompagné de son expert-comptable. Après validation, une ordonnance est rendue sous 72h, puis la mission démarre (rassemblement des documents avec l’expert-comptable, négociation avec les créanciers, etc.)
Comment travaillez-vous avec la profession dans le cadre de la prévention des difficultés ?
L’expert-comptable est essentiel pour la partie chiffrée de la requête, avec un prévisionnel rapide avant l’ouverture de la procédure, afin de convaincre le Président du tribunal de commerce de la pérennité de l’entreprise. Durant la procédure, un prévisionnel détaillé, parfois avec plusieurs scenarii, est nécessaire. Il fournit aussi le mapping de la dette bancaire, les bilans et les attestations pour obtenir un fonds de premier secours. Plus la consultation est précoce, meilleures sont les chances de prévention (75% de succès) face aux procédures collectives souvent synonymes de liquidation (70-80%).
LES AIDES RÉGIONALES DANS L’ACCOMPAGNEMENT DES DIFFICULTÉS
4 aides sont proposées par la Région et se caractérisent par des prêts de soutien de trésorerie :
Comment agit la Région sur le volet de la prévention des difficultés ?
On pense souvent, à tort, que la Région n’apporte qu’un soutien financier. En réalité, elle mobilise un réseau d’élus et de services experts dans l’accompagnement des entreprises en difficulté. Créée à l’initiative du Président BERTRAND et de son exécutif, une équipe dédiée intervient depuis près de 10 ans et est naturellement devenue spécialiste du sujet. Elle oriente, anticipe et active les bons leviers : protection judiciaire via les tribunaux de commerce, contact avec la DGE, aides régionales… Chaque situation est unique mais des fondamentaux existent. Au-delà du financement, la Région offre un vrai savoir-faire et propose le mode d’emploi pour détecter les signaux faibles et agir efficacement.
Comment considérez-vous actuellement la situation économique des entreprises dans les Hauts-de-France ?
La situation économique régionale actuelle est inégale et contrastée : certaines entreprises surperforment tandis que d’autres demeurent fragilisées depuis la crise sanitaire, en particulier avec le remboursement du PGE. À cela s’ajoutent la crise énergétique et les incertitudes liées à l’export. Un élément est important : le monde économique redoute l’instabilité. La dissolution de juin 2024 et ses conséquences interrogent. La censure, souvent sous-estimée, a un impact bien plus direct et immédiat sur l’économie qu’on ne l’imagine.
“Plus un dirigeant agit tôt, plus il peut se placer sous protection du tribunal de commerce (mandat ad hoc ou conciliation) et plus l’accompagnement régional est pertinent.”
Quelles sont les aides et dispositifs que vous souhaitez mettre en avant auprès de la profession d’expert-comptable ?
Les quatre aides régionales précédemment présentées sont toutes profitables mais leur efficacité dépend de l’anticipation. Plus un dirigeant agit tôt, plus il peut se placer sous protection du tribunal de commerce (mandat ad hoc ou conciliation) et plus l’accompagnement régional est pertinent. Les représentants des tribunaux, eux-mêmes entrepreneurs, sont là pour aider, pas pour juger.
Il ne faut pas hésiter à franchir leurs portes, ni celles de la Région. Nous savons que les difficultés peuvent vite s’enchaîner. 70 % des entreprises qui anticipent par un mandat ad hoc ou une conciliation sont sauvées et 70 % des entreprises qui se dirigent vers le redressement judiciaire, donc plus tardivement, sont liquidées. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : anticiper, c’est sauver !
Concrètement, comment un expert-comptable peut être accompagné par la Région sur le dossier de la prévention des difficultés des entreprises ?
La Région entretient déjà des liens avec la profession. Certains experts-comptables nous sollicitent sur des dossiers, ce qui permet de les mettre en relation avec les tribunaux de commerce et de leur présenter administrateurs ou mandataires. Nous connaissons l’ensemble des acteurs régionaux de la prévention. La Région agit avec transparence et confidentialité. Les experts-comptables ne doivent pas hésiter à nous contacter. Le site et le numéro mentionnés page précédente sont utiles, tout comme l’adresse e-mail : entreprises@hautsdefrance.fr.
Olivier SOELS, Dirigeant de la société SOELS ELECTROTECH
Présentez-nous brièvement votre entreprise et dans quel contexte est intervenue l’association ECTI ?
Mon entreprise, basée dans le Nord, propose des prestations techniques industrielles et compte 30 salariés. Tout d’abord, j’avais l’impression de stagner en matière de croissance et je réfléchissais à une réorganisation. De plus, la crise sanitaire et la pénurie des composants ont fortement impacté la société. En discutant de cela avec mon expert-comptable, l’accompagnement d’ECTI correspondait à mes besoins : prendre du recul et le temps de la réflexion, sortir de la technicité liée au secteur pour se fixer des objectifs et faire de nouveaux choix de développement et de restructuration.
Quels sont les résultats de cette intervention ? Et selon vous, quels sont les avantages ?
Le bilan est très positif. Les bénévoles sont non seulement très expérimentés mais ils sont neutres. Cela constitue un gros avantage, ils n’ont qu’un objectif : apporter aide et soutien sans enjeu financier. J’ai également apprécié les techniques de communication utilisées et bien maîtrisées, j’ai beaucoup parlé et ils ont été très à l’écoute. La démarche est bienveillante, professionnelle et particulièrement constructive. Finalement, le mentorat avec ECTI m’a permis de formaliser un plan stratégique à 3 et 5 ans.
ECTI propose trois sessions de mentorat de deux heures environ, appelées entretiens de qualification, pour appréhender l’entreprise et ses enjeux. Ces rendez-vous offrent une prise de recul stratégique et structurent la réflexion du dirigeant. La démarche s’articule en trois étapes : 1) diagnostic pour clarifier la situation, 2) hiérarchisation des axes de développement prioritaires et 3) élaboration d’un plan d’actions avec définition d’une ambition précise. À l’issue, un accompagnement ciblé est proposé, avec sélection de l’expert le plus adapté aux besoins du chef d’entreprise.
Daniel CHARRIER, Délégué Régional ECTI Hauts-de-France
Pour aller plus loin, rendez-vous sur ecti-hautsdefrance.fr
La détection, le plus tôt possible, des difficultés d’une entreprise est la clé pour assurer sa pérennité. Malheureusement et malgré les bonnes volontés, certaines entreprises sont contraintes de procéder à une liquidation. Durant cette étape, il est nécessaire que le dirigeant soit soutenu pour l’aider à rebondir. Les pertes, qu’elles soient professionnelles ou personnelles, peuvent parfois être importantes et trouver le bon accompagnement est indispensable. La liquidation d’une entreprise est une étape émotionnelle marquant la fin d’une aventure. Qu’elle soit amiable ou judiciaire, la liquidation est une période durant laquelle le rôle de l’expert-comptable est essentiel, il propose notamment des stratégies pour minimiser les impacts négatifs et envisager l’avenir. Il existe également des structures pouvant accompagner le dirigeant et compléter l’action de l’expert-comptable. C’est le cas de l’association 60 000 Rebonds qui œuvre dans la région pour aider les entrepreneurs à se relancer en tentant de changer le regard sur l’échec.
Christian DESSAIGNE,
Président de 60 000 Rebonds Hauts-de-France
Présentez-nous l’association 60 000 Rebonds
60 000 Rebonds Hauts-de-France est une association qui s’engage aux côtés des entrepreneurs ayant connu une liquidation judiciaire. Notre mission ? Leur permettre de se reconstruire humainement et professionnellement, pour retrouver confiance, dignité et perspectives d’avenir. Parce qu’un échec entrepreneurial ne devrait jamais être une fin en soi, nous offrons un cadre bienveillant, solidaire et structurant pour les aider à rebondir et écrire un nouveau chapitre, qu’il soit salarial ou entrepreneurial. Notre force, c’est notre réseau de bénévoles : coachs certifiés, parrains chefs d’entreprise ou cadres dirigeants, experts métiers… Tous unis autour d’un objectif commun : faire grandir la personne autant que le projet. À travers un accompagnement humain, gratuit et durable, nous contribuons à faire évoluer les regards sur l’échec, et à replacer la résilience au cœur du parcours entrepreneurial.
Concrètement, comment accompagnez-vous le dirigeant qui connaît une liquidation ?
L’accompagnement proposé dure jusqu’à 24 mois et repose sur deux piliers complémentaires :
Avez-vous des chiffres clés pour la région Hauts-de-France ?
En 2024, ce sont 138 entrepreneurs en rebond qui sont accompagnés en Hauts-de-France, soutenus par 256 bénévoles engagés. Le tout réparti sur 8 antennes locales : Lille Métropole, Artois, Côte d’Opale, Hainaut, Oise Beauvais, Oise Compiègne, Somme et Flandres. Au vu du contexte économique, l’enjeu à venir est d’accueillir toujours plus d’entrepreneurs en rebond (170 en 2025) et de bénévoles (300).
10, rue de Tenremonde – 59000 Lille
03 20 15 80 80